Le cauchemar de l’école googlisée : mobilisation de la CGT Paris le 6 juin 2017

La CGT Paris appelle aujourd’hui à une journée d’actions et de revendications en direction des élus parisiens et des citoyens. La CGT se mobilise contre les régressions portées par le programme présidentiel, l’austérité budgétaire imposée aux services publics.

En 2016, Emmanuel Macron, déjà en marche, annonçait la couleur en préfaçant L’’État en mode start-up. Sous couvert d’une action publique réinventée, « augmentée » par l’innovation technologique et sociale, la ligne générale consiste à introduire des parasites issus des grands groupes capitalistes intervenant directement dans l’État, avec leurs modes de gestion, leurs hommes et leur idéologie en lieu et place des services aux usagers (éducation, santé…), pillant la richesse du service public.

Nous pouvons témoigner aujourd’hui d’une situation gravissime qui touche des millions de personnes : les majors du numérique, les fameux GAFAM (google & c°) s’emparent des données scolaires et personnelles des quatorze millions d’élèves et de leurs professeurs. Ils arrivent dans l’éducation nationale en « évangélisateurs », en fait en colonisateurs.

Les gouvernements successifs ont ouvert les vannes qui permettent aujourd’hui aux GAFAM d’aspirer gratuitement ces données sensibles, pour ensuite en faire des marchandises qu’ils vont vendre à prix d’or sur le marché juteux des profils, des « personnal data ».

Les services des GAFAM sont des outils pouvant être utilisés en classe pour partager des ressources pédagogiques (documents, vidéos, etc.), pour donner accès aux notes, aux appréciations des profs, aux absences, adresser des courriers aux parents. Si les données scolaires sont « sensibles » c’est non seulement parce qu’elles disent beaucoup de choses sur les enfants mais aussi parce qu’elles les suivent longtemps. Du coup, elles intéressent beaucoup d’acteurs, en premier les grandes entreprises du net américaines.

Or la raquette est déjà trouée.

  1. 2015. Cette année-là, le Ministère signe un partenariat avec Microsoft qui propose des solutions pouvant être utilisées en classe (en particulier la suite Office Education), des formations de chefs d’établissement et d’enseignants « utilisant les technologies Microsoft ». A l’époque, l’accord évalué à 13 millions d’euros.
  2. 2016. La mise en place de solution de gestion de flottes de tablettes sous licence Apple School Manager, posent une ribambelle de questions. Qu’elles sont les données utilisées par Apple ? D’où proviennent-elles ? Comment, et à partir de quelle(s) source(s) sont-elles alimentées ? Avec quelles autorisations ? Quelles finalités ? Quelles sont les données recueillies, leur étendue, leur proportionnalité au regard du service rendu ? Où sont stockées et répliquées les informations, qui recueille le consentement pour leur collecte ? Si un parent veut faire supprimer certaines les données sur son enfant comment fera- t-il ? Si on veut récupérer ses données, seront-elles lisibles ailleurs ?

Aujourd’hui, les services numériques sont de plus en plus utilisés en classe. Et les profs eux-mêmes se trouvent dans une situation inconfortable. Et dans un contexte budgétaire contraint, ils sont tentés d’utiliser ces services gratuits. Et d’autant plus efficaces qu’ils sont « pensés » pour eux, mais sans disposer d’information précise, on y revient, sur l’utilisation des données.

Et c’est à ce moment, avant même l’installation du gouvernement de Macron qu’un directeur zélé et empressé d’administration centrale ouvre grand le robinet des données aux rapaces, au mépris de l’intérêt général, des règles de droit et contre l’avis de la CNIL qui préconise un cadre juridique contraignant, qui protège les données des élèves comme des enseignants.

On se trouve de fait, face au blanchiment des données des élèves et des enseignants via le détournement des finalités des traitements de données déclarés à la Cnil.

 

C’est ça la réalité « augmentée » du service public promise par Macron ? Quel cauchemar !

Faut-il absolument « entériner » des pratiques sociales pour certaines illégales qui ont été tolérées voire encouragées jusqu’ici par certains sous prétexte qu’elles rendaient possible de nouveaux usages jugés plus souples et plus fluides ?

Tout cela dans un contexte où l’offensive des géants du web se fait toujours plus forte. Car l’école est pour eux un nouveau relais de croissance. Enfin, parce que derrière ces technologies, il y a des philosophies. Le choix des technologies sur lesquelles on travaille dès l’enfance n’est pas neutre et aura des conséquences sur les pratiques de ces futurs adultes. Ces Gafam portent et imposent des visions du monde. Ils vont même jusqu’à promouvoir des visions « monde » du modèle selon lequel l’École doit pour eux fonctionner.

L’École française n’a-t-elle donc comme seule perspective que de se « googlifier » ? Et une fois la « googlification » intervenue, un retour en arrière sera-t-il encore possible ?

Nous travaillons au ministère de l’éducation nationale et nous défendons un service public du numérique éducatif non commercial, neutre et de confiance. Le 13 juin, nous organisons une réunion d’information sur le sujet au ministère de l’éducation nationale, à partir de 11h, vous êtes tous invités en tant que parent, citoyen. Nous invitons aussi les élus parisiens. Ne laissons pas l’éducation nationale se marchandiser. Ne laissons pas les GAFAM faire du service public de l’éducation nationale une nouvelle colonie numérique.

RDV ce 6 juin à midi sur le parvis de l’hôtel de ville de Paris pour dénoncer et contrer cette vision de l’État en mode start-up.